Et si nous étions en route pour un "droit opposable" au travail ?
Nous
entendons souvent parler du travail comme d'un devoir nécessaire pour
vivre. Témoin de temps reculés, la Bible nous le présente même comme
une malédiction, une punition infligée à l'homme
parce qu'il a défié Dieu en mangeant le fruit du discernement. Pour
avoir voulu accéder à la connaissance, voilà que l'homme doit
travailler pour vivre ! Ou bien a-t-il toujours travaillé et est-ce
parce que, maintenant, il est capable de penser que le travail lui
paraît laborieux ?
Quoi qu'il
en soit, certains gagnent de l'argent à ne rien faire, simplement
parce qu'ils possèdent du bien. Ils bénéficient du fruit du
capital. Certain l'ont gagné durement, d'autres l'ont hérité sans
rien faire.
A côté
de ces exceptions, il y a aussi les chômeurs et les autres
allocataires sociaux qui gagnent leur vie sans rien faire. D'où
vient l'argent qu'ils perçoivent ? Celui du chômage provient des
cotisations générées par le travail des salariés. Celui de la
mutuelle et des pensions provient des cotisations sociales payées
par le travail des salariés et des indépendants. Une partie de la
TVA payée par les consommateurs intervient maintenant aussi dans le financement de la
sécurité sociale. Par contre, le fruit du capital n'y contribue
pas, sauf peut-être en ce qui concerne le revenu d'intégration payé
par les CPAS. Dans ce cas, l'argent provient de l'impôt. Ce dernier
est généré en grande partie par le fruit du travail, mais aussi du
commerce et du capital.
Tout le
monde s'accorde pour dire que les pensionnés ont mérité leur
pension qui est d'ailleurs calculée en fonction du travail qu'ils
ont effectué. Les gens malades sont incapables de travailler. Ils
ont besoin de la solidarité des travailleurs pour vivre. Les
chômeurs n'ont pas de travail. Pourtant, leur âge, leur santé leur
permettent de travailler. Certains disent qu'ils ne veulent pas
travailler. La réalité est tout autre : Il n'y a pas de travail
pour tout le monde ! Plus la mécanisation, l'informatisation et maintenant la
robotisation augmentent, moins l'homme doit travailler pour produire
ce dont il a besoin. C'est une bonne chose : La diminution du temps
de travail permet aux parents de mieux s'occuper de leurs enfants.
Les loisirs sont eux-mêmes des activités génératrices d'emploi.
Le travailleur a maintenant du temps pour s'informer, s'instruire,
avoir une vie sociale riche. Il est de plus en plus un citoyen actif
et responsable. Cependant, malgré la réduction du temps de travail
et l'augmentation des congés payés, il n'y a pas de travail pour
tout le monde et ce bien que la consommation augmente.
Vous direz
: "Mais enfin, je connais des patrons qui cherchent en vain de
la main d'oeuvre !" Bien sûr, ce genre de situation existe,
mais ce n'est que marginal par rapport à la quantité de chômeurs.
Les formations proposées aux demandeurs d'emploi tentent d'ailleurs
de remédier à cette carence, mais il y a des limites. Tout le monde
n'est pas apte à tout faire. Par exemple, les offres dans la
construction exigent souvent le permis poids lourd pour les
manoeuvres ou encore, aux femmes d'ouvrages, on demande de posséder une
voiture. Il y a aussi des propositions d'emploi aux conditions très
désavantageuses qui sont très peu attrayantes, comme, par exemple,
un temps partiel trop réduit ou un salaire insuffisant pour que le
travailleur puisse vivre décemment. Les conditions de ces postes
miséreux, indignes et inacceptables pourraient peut-être faire
l'objet d'une révision qui les rendraient corrects. C'est d'ailleurs
un peu ce qui passe à l'occasion des engagements subsidiés. A ces
niveaux-là, il y a encore du pain sur la planche syndicale. Mais qui
mènera le combat. Le monde du travail est maintenant divisé en deux
grandes catégories : d'un côté, ceux qui ont un bon travail, bien
payé et de l'autre, ceux qui n'en ont pas ou qui ont un travail
médiocre et mal payé. Et même dans ce groupe des mal lotis, d'habiles
manoeuvres sèment la discorde. Ceux qui travaillent pour
de petits salaires sont appelés à s'insurger contre les maigres
revenus des chômeurs, ceci afin de les détourner du vrai problème
: leurs salaires trop bas. Nous sommes à une époque du "diviser
pour mieux régner". La position des syndicats face à ce
clivage est loin d'être favorable aux plus faibles. Il faut dire que
les forces syndicales proviennent des classes ouvrières
confortablement instituées que seules quelques délocalisations
parviennent à secouer. En général, les plus faibles n'ont pas de
délégués. Ils ne sont pas représentés au sein des instances. Les
chômeurs ne participent pas aux élections sociales. Bien
qu'utilisateurs des structures au plan administratif, ils sont
complètement déconnectés de l'appareil syndical. Autant dire que
leur défense, elle aussi, est précaire !
Certains
l'ont bien compris. Pour mieux cacher les lacunes économiques, on
préfère s'attaquer aux chômeurs qu'aux racines du mal. C'est
beaucoup plus rassurant pour beaucoup de dire que les chômeurs ne
veulent pas travailler que de poser la question de l'organisation du
travail. En dualisant la société comme cela se fait maintenant, on
maintient une majorité des forces vives dans le calme. En
diabolisant les chômeurs, on déculpabilise le reste de la société,
on l'amnésie.
Le réveil
sera douloureux. Les chômeurs vont de plus en plus accepter des
conditions de travail médiocres. Ils seront remplacés par d'autres
chômeurs. Ces derniers, pressés par "l'activation des
chômeurs", accepteront de plus en plus vite un travail de
moindre qualité. C'est ainsi que les bien nantis seront de moins en
moins nombreux au fur et à mesure que la pression des sans-emploi
sera plus forte.
Alors, que
l'on arrête ce jeu ! Le chômeur n'est pas fainéant. Il aspire,
comme tout le monde à travailler décemment. En le forçant à
accepter n'importe quoi, on fera de ce n'importe quoi la règle.
Est-ce cela que veulent les travailleurs ?
La
question est la suivante : Les chômeurs doivent-ils à tout prix
accepter les emplois médiocres ou inversement, les emplois médiocres
devraient-ils s'adapter à la norme ? Si rien ne change, ils
deviendront la norme.
Au lieu de
présenter le travail comme un devoir, si on le considérait comme un
droit ? Redressons
la tête et revendiquons notre droit au travail. Menons la
danse ! Ne nous
battons pas contre les travailleurs, invitons-les à se battre avec
nous, car demain qui sait...
Combien
de postes vacants ?
Combien
de demandeurs d'emploi ?
On
a beau s'activer... Les mathématiques ne sont pas favorables !
Et
demain, elles le seront moins encore... La crise risque de jeter
beaucoup trop de monde du mauvais côté.
Le travail
est une nécessité valorisante, pas une malédiction ou une
punition. Je
revendique le droit à la valorisation par le travail. Et vous ? Christine
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