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Dix Paroles Pour une Vie paisible

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PREMIERE PARTIE : Les livres de la Loi

2. Les trois codes de l'Exode

A propos de l'âge des textes

Les cinq livres de la Loi sont un véritable amalgame de textes pensés et, écrits dans un vaste espace du temps assez difficile à définir. D'où viennent en effet les traditions orales qui sont à l'origine de la plupart d'entre eux ? Probablement du plus profond de la mémoire humaine. Certains textes ont été écrits assez tôt, puis parfois perdus, comme ce fut le cas pour les "Tables de la Loi". Mais c'est surtout après la déportation par Nabuchodonosor que le véritable travail d'écriture a commencé. Les vieux textes ont été retranscrits et complétés par des plus récents dont le but était la préservation de la mémoire et du culte menacés par la dispersion du peuple. Un indice simple nous permet de reconnaître les écrits plus récents : Il s'agit de l'utilisation du calendrier babylonien. Ce dernier faisait commencer l'année au printemps, alors que pour les Hébreux, le nouvel an était situé à l'automne. De plus, les mois babyloniens ont été numérotés et avaient des noms différents de ceux du calendrier cananéen. Les écrivains bibliques ont d'abord utilisé le système de numérotation des mois, puis, plus tardivement, ont adopté les noms babyloniens. Sur base du système de datation utilisé, on peut constater que beaucoup d'écrits de l'Exode sont des vieux textes dont la rédaction est antérieure au règne du roi Yoyakîn. S'agit-il du "livre de la Loi" mentionné en 2Roi 22 ? Certainement pas dans la totalité du livre, ni dans sa structure assez bizarre, mais comme nous le verrons, non dépourvue de signification. En effet, le désordre apparent du livre est lui-même porteur de messages.

Le code ancien

Certains textes de l'Exode sont très vieux. C'est le cas du code de "l'alliance" qui renferme l'essentiel des règles juridiques, éthiques et cultuelles. Etait-il le code civil et religieux respecté par l'ancienne nation israélienne ?

Quand tu achèteras un serviteur hébreu, il servira six années. La septième année, il sortira libre, sans rien payer...

Qui frappe un homme à mort sera mis à mort...

Qui frappe son père ou sa mère sera mis à mort !

Qui enlève un homme et le vend, s'il est trouvé entre ses mains, il sera mis à mort.

Celui qui appelle le mal sur son père ou sur sa mère sera mis à mort...

Quand des hommes se querellent, que l'un a frappé l'autre avec une pierre ou le poing et que celui-ci ne meure pas, mais doive rester alité, s'il se lève et se promène dehors avec une canne, celui qui aura frappé sera acquitté. Il n'aura qu'à payer son chômage et assurer les soins jusqu'à la guérison.

Tu payeras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, ... meurtrissure pour meurtrissure.

Quand un homme frappera l'œil de son serviteur ou de sa servante en l'abîmant, il accordera la liberté à la victime en compensation de son œil.

Quand un bœuf heurte mortellement de la corne, il sera lapidé et l'on ne mangera pas de sa chair, mais son propriétaire sera quitte. Par contre, si le bœuf est connu pour heurter de la corne depuis hier et avant-hier et que le maître en avait été averti, mais ne l'avait pas surveillé, s'il a tué un homme ou une femme, il sera lapidé et son maître sera mis à mort. Si une rançon lui est imposée, il payera le rachat de sa vie d'après tout ce qu'on lui imposera...

Et quand un homme laissera une citerne ouverte ou creusera une citerne sans la couvrir, si un bœuf ou un âne y tombe, le propriétaire de la citerne donnera compensation.

Si un homme vole un bœuf ou un mouton et qu'il l'égorge ou le vend, il payera. cinq bœufs à la place du bœuf et quatre moutons à la place du mouton...

Si un feu se propage pour avoir rencontré des épines et qu'il consume meules, moissons ou champs, l'incendiaire devra donner compensation pour ce qui a brûlé.

Une magicienne, tu ne la laisseras pas vivre.

Qui couche avec une bête sera mis à mort !

Tu n'exploiteras ni n'opprimeras l'émigré, car vous avez été des émigrés au pays d'Egypte.

Vous ne maltraiterez aucune veuve ni orphelin.

Tu n'insulteras pas Dieu, tu ne maudiras pas celui qui a une responsabilité dans ton peuple.

Vous serez pour moi des hommes de sainteté.

Tu ne rapporteras pas de rumeur sans fondement.

Ne prête pas ta main au coupable en étant un faux témoin. Tu ne suivras pas la masse pour faire du mal

D'une parole mensongère, tu t'éloigneras.

Ne tue pas l'innocent ni le juste, car je ne justifie pas un coupable.

Tu n'accepteras pas de cadeau, car le cadeau aveugle les clairvoyants et compromet la cause des justes

(Exode 21-22-23)

Les dix commandements

En préliminaire à ce code de l'alliance, figurent les dix commandements. Résumé facile à mémoriser et à réciter de génération en génération, ils convenaient parfaitement au culte et pour être clamés publiquement lors des rassemblements de foule. Ils sont présentés comme les paroles que Dieu adressa directement aux hommes, sans intermédiaire, ce qui n'est le cas pour aucun des autres textes.

Dieu prononça toute ces paroles, disant :

"Je suis YHWH, ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d'Egypte, de la maison de servitude. Tu n'auras pas d'autres dieux contre moi.

Tu ne te feras pas de sculpture, ni aucune image de ce qui est au ciel là-haut, sur terre ici-bas ou dans les eaux sous la terre. Tu ne te prosterneras pas devant elles et tu ne les serviras pas, car je suis YHWH, ton Dieu. Je suis un Dieu jaloux, poursuivant la faute des pères chez les fils sur trois ou quatre générations, s'ils me haïssent, mais prouvant sa fidélité à des milliers s'ils m'aiment et gardent mes commandements.

Tu ne prononceras pas le nom de YHWH, ton Dieu, en vain, car YHWH ne laisse pas impuni celui qui prononce son nom en vain.

Te rappelant le jour du Sabbat à sanctifier, pendant six jours tu travailleras et feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est un "sabbat" pour YHWH, ton Dieu. Tu ne feras aucun ouvrage ni toi, ni ton fils, ni ta fille, pas plus que ton serviteur, ta servante, tes bêtes ou l'étranger que tu as dans tes villes ; car en six jours, YHWH a fait le ciel et la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent, mais il s'est reposé le septième jour, c'est pourquoi YHWH a béni le jour du Sabbat et l'a consacré.

Honore ton père et ta mère, afin que tes jours se prolongent sur le sol que te donne YHWH, ton Dieu.

Tu n'assassineras pas.

Tu ne commettras pas d'adultère.

Tu ne voleras pas.

Tu ne témoigneras pas contre ton prochain en témoin mensonger.

Tu ne désireras pas la maison de ton prochain. Tu ne désireras ni la femme de ton prochain, ni son serviteur, sa servante, son bœuf ou son âne, ni rien qui appartienne à ton prochain."

(Exode 20.1-17)

Les mêmes paroles sont intégralement répétées dans le Deutéronome (5.6-21) avec quelques précisions supplémentaires sur la signification du Sabbat : Il est institué pour que tout le monde, à tous les niveaux du travail puisse se reposer et, en plus d'être commémoration de la création, œuvre de Dieu, il est rappel de l'esclavage enduré en Egypte et de la puissance libératrice de Dieu.

La force de ces lois réside dans leur essence : cette dernière n'est pas humaine avec tout ce que cela comporte comme imperfections, mais divine, c'est à dire émanation de la force créatrice :

Ces paroles, YHWH les a dites quand vous étiez tous assemblés sur la montagne. Il parla du milieu du feu, des nuages et de la nuit épaisse avec une voix puissante. Il n'y a rien ajouté et les a écrites sur deux tables de pierre qu'il m'a données.

(Deutéronome 5.22)

L'homme a pu entendre, car "Dieu (nous) a fait voir sa gloire et sa grandeur" (Deut 5.24). Dieu a donc élevé l'homme à un niveau jamais imaginé. Il lui a montré que "Dieu peut parler à l'homme et le laisser en vie" (Deut 5.24).

Mais cette élévation à la capacité de percevoir les préceptes divins est trop difficile pour le commun des mortels : "Pourquoi mourir dévorés par ce grand feu ?" (Deut 5.25). Alors, Dieu a instauré Moïse médiateur et instructeur.

Dieu ne blâme donc pas le peuple pour son incapacité à s'élever au-dessus de sa nature humaine afin de le rencontrer. Au contraire, à défaut de pouvoir entendre Dieu, il est appelé à le craindre :

J'ai entendu toutes les paroles de ce peuple. Tout ce qu'ils t'ont dit est bien. Ah ! Si leur cœur pouvait toujours être ainsi, décidé à me craindre et à observer tous les jours mes commandements ! Ils seraient heureux à jamais, ainsi que leurs fils. Vas leur dire : "retournez à vos tentes" !

(Deutéronome 5.28-30)

L'homme est donc renvoyé à sa vie ordinaire. Le médiateur éduquera le peuple afin que ce dernier garde les commandements, car de sa conduite dépend son avenir :

Tu feras ce qui est juste et bon aux yeux de YHWH pour être heureux et entrer prendre possession du bon pays que YHWH a promis par serment à tes pères...

(Deutéronome 6.18)

En fait, le droit à la terre n'est pas l'enjeu principal de l'alliance :

YHWH nous a ordonné de mettre en pratique toutes ces lois et de craindre YHWH, notre Dieu, pour être heureux tous les jours et rester en vie comme aujourd'hui.

(Deutéronome 6.24)

Oui, le respect de la Loi conduira l'homme au bonheur. Les "Tables de la Loi" seront le seul contenu de l'arche de l'alliance, symbole, non seulement de l'indépendance d'Israël, conséquence de la libération, mais aussi et surtout symbole de la constitution du peuple en nation dont la Loi est la charte constituante. En effet, si le peuple a été libéré à Pâque, la nation est née à la Pentecôte quand Dieu a exprimé la Loi dans le langage des hommes, quand ceux-ci se sont élevés vers l'absolu divin jusqu'à dépasser la limite de leurs capacités humaines.

Le peuple hébreu, libéré d'Egypte, a donc été constitué en nation avant de posséder la terre et ce, grâce à la constitution qu'il s'est donnée - ou qui lui a été révélée - au Sinaï. N'est-ce pas, en effet, précisément la constitution qui fait d'un peuple une nation? Aussi cette dernière doit-elle être capable d'assumer les lois de sa charte. Si elle n'est pas mûre pour le faire, elle est condamnée à errer au désert ou en exil.

L'incapacité du peuple hébreu à respecter la Loi était due à la nécessité qu'à l'instar des autres nations, il avait d'adorer un dieu matériel, concret et visible. Même après avoir été élevé à la perception et à la compréhension de la Loi en tant qu'émanation de l'absolu et de l'universel, l'homme du Sinaï était encore un idolâtre et il y a eu l'épisode du Veau d'or. N'était-ce pas à désespérer ? Comme dans tout processus éducatif, Dieu a puni les fautifs, puis l'aventure de l'éducation du peuple a repris avec un deuxième don des mêmes tables de la Loi (Deutéronome 10.4)

Par contre, le livre de L'Exode nous présente une version différente de la réaction divine, une alternative à la stratégie éducative :

Les dix autres paroles

Puisque le peuple n'est pas capable d'assumer sa constitution, puisqu'il n'est pas mûr pour libérer son esprit de l'idole avilissante - libération indispensable à l'existence de la nation -, il faut donc d'abord l'éduquer sur le plan strictement religieux, lui inculquer la notion du Dieu unique, immatériel et invisible. Le livre de l'Exode nous livre les "autres paroles", celles que Dieu a formulées en réaction à la faute du veau d'or.

Tu ne te prosterneras pas devant un autre dieu, car le nom de YHWH est "jaloux". C'est un dieu jaloux. Ne conclus pas d'alliance avec les habitants du pays, car lorsqu'ils se prostituent avec leurs dieux et sacrifient à leurs Dieux, ils t'appelleraient et tu mangerais de leurs sacrifices, tu prendrais de leurs filles pour tes fils. Leurs filles se prostitueraient avec leurs dieux et amèneraient tes fils à se prostituer avec leurs dieux.

Tu ne te feras de dieu de métal fondu.

Tu observeras la fête des azymes. Sept jours, tu mangeras des pains sans levain comme je te l'ai ordonné, au temps fixé du mois des épis, car c'est au mois des épis que tu es sorti d'Egypte.

Tout ce qui ouvre le sein maternel est pour moi. De tout mâle premier-né de ton troupeau, tu feras l'occasion d'un mémorial, que ce premier-né soit bovin ou ovin. Mais un premier-né d'âne, tu le rachètras par un mouton. Si tu ne le rachètes pas, tu lui rompras la nuque. Tout premier-né de tes fils, tu le rachèteras. On ne se présentera pas devant moi en ayant les mains vides.

Tu travailleras six jours, mais le septième jour, tu chômeras; que ce soit en période de labours ou de moissons, tu chômeras.

Tu célébreras la fête des Semaines, prémices de la moisson du blé et la fête de la Récolte, à la fin de l'année.

Trois fois l'an, tout mâle viendra voir la face du Seigneur, YHWH, Dieu d'Israël. Quand j'aurai évincé les nations devant toi, que j'aurai élargi ton territoire, personne ne convoitera ta terre au moment où tu monteras pour te présenter devant YHWH, ton Dieu, trois fois par an.

Tu n'égorgeras pas mon sacrifice sanglant sur du pain fermenté. Le sacrifice de la Pâque ne passera pas la nuit jusqu'au matin. Tu apporteras la primeur des prémices de ton sol à la maison de YHWH, ton Dieu. Tu ne feras pas cuire un chevreau dans le lait de sa mère." YHWH dit à Moïse : "mets par écrit ces paroles, car c'est sur la base de ces paroles que je conclus une alliance avec toi et avec Israël. Moïse demeura avec YHWH 40 jours et 40 nuits. Il ne mangea pas de pain. Il ne but pas d'eau. Il écrivit sur les tablettes les paroles de l'alliance, les dix paroles.

(Exode 34.14-28)

Le livre de l'exode est donc ici en contradiction avec le Deutéronome. Ce dernier relate, en effet, les faits de la manière suivante :

Et il a écrit sur les tablettes, de la même écriture que la première, les dix paroles que YHWH vous avaient dites sur la montagne, du milieu du feu, au jour de l'Assemblée. Puis, YHWH me les a remises.

(Deutéronome 10.4)

Les contradictions sont fréquentes dans la Bible. Elles nous montrent que bien souvent, les choses ne sont pas blanches ou noires de façon catégorique, mais sont au contraire fonction des circonstances, car la Bible est en effet aussi un livre d'histoire, celle d'une nation hétérogène et titubante, d'une nation naissante porteuse de l'espoir humain.

Quel est le code éthique prioritaire, celui qui régit le culte ou celui qui, tout en définissant la relation entre Dieu et les hommes, impose les règles des relations des hommes entre eux ? Certaines valeurs sont reprises dans les deux textes :

- Dieu est unique et lui seul peut être adoré.

- La fabrication de statue représentant toute divinité est interdite.

- Le sabbat est jour de repos pour tous.

Ces valeurs sont le fondement des relations de l'homme à Dieu.

Après, il y a divergence sur les priorités : D'abord les lois du culte ou les lois civiles ? Autrement dit : l'Etat sera-t-il religieux ou laïque ? Cette question vieille de près de trois mille ans n'est pas résolue et déchire encore actuellement la nation israélienne et d'autres !.

Un culte d'Etat très strict est-il seulement un passage obligé pour une nation immature ou une finalité pour un "peuple de prêtres" ?

Mais vous, vous serez appelés "prêtres de YHWH", on vous nommera "officiants de notre Dieu".

(Esaïe 61.6)

J'instituerai pour toi la paix en guise de magistrature, la justice en guise de gouvernants.

(Esaïe 60.17)

Voici deux passages d'Esaïe qui restituent, une fois de plus, la dualité de la vocation d'Israël : servir Dieu et assumer sa paix et sa justice.

En fait, ce dernier objectif sera atteint par le respect de la Loi, cela est répété sans équivoque tout au long de la Bible. Mais la Loi est aussi enseignement. Son but, le bonheur universel par la transcendance vers Dieu, l'absolu, sera atteint par l'éducation des hommes, afin que ces derniers trouvent la bonne voie, celle qui mène à toutes les formes de paix.

Mais pour Esaïe, cet objectif est encore loin d'être atteint :

Ils ne connaissent pas la voie de la paix, sur leur passage, on ne rencontre pas le droit; ils se tracent des sentiers détournés. Quiconque y chemine ne connaît pas la paix.

(Esaïe 59.8)

Dans ces conditions, on peut comprendre que le culte soit nécessaire a l'éducation et à l'édification de l'homme, mais il ne faut pas qu'il devienne un paravent :

C'est moi qu'ils consultent jour après jour. C'est à connaître mes chemins qu'ils manifestent leur plaisir comme une nation qui a pratiqué la justice et n'a pas abandonné le droit de son Dieu. Ils exigent de moi des jugements selon la justice. Ils désirent être près de Dieu : "Pourquoi avons-nous jeûné sans que tu le voies et nous sommes-nous humiliés sans que tu le remarques ?" Or, le Jour où vous jeûnez, vous traitez des affaires et vous brutalisez vos gens de peine : Or vous jeûnez en cherchant des querelles et des disputes et en frappant du poing méchamment ! Vous ne jeûnez pas comme il convient en un jour où vous voulez faire entendre votre voix là-haut. Est-il comme cela, le jeûne qui me plaît, le jour où l'homme se mortifie ? Courber la tête comme un jonc, étaler en litière sac et cendre, est-ce cela que tu proclames un jeûne, un jour agréable à YHWH ?

 (Esaïe 58.2-5)

De ce texte, il ressort que le jeûne, une forme de culte, a pour but de se "faire entendre là-haut", c'est à dire de communiquer avec Dieu en lui étant agréable. L'homme se mortifie, s'humilie, une façon de reconnaître la toute puissance de Dieu. L'homme pratiquant recherche la "proximité de Dieu", mais le texte nous dit que tout cela est vain s'il n'est pas sincère, si sa conduite n'est pas conforme à la Loi. Dans ce cas, il ne sera pas agréé de Dieu. Le culte en lui-même n'est donc rien s'il n'est pas le complément d'une conduite respectueuse de la Loi. D'ailleurs, Esaïe va plus loin en présentant le bon comportement comme le "jeûné' préféré de Dieu :

N'est-ce pas ceci, le jeûne que je préfère : défaire les entraves de la méchanceté, détacher les courroies du joug renvoyer libres les opprimés. Bref, mettre en pièces tous les jougs ! N'est-ce pas partager ton pain avec l'affamé, héberger les pauvres sans abri ; couvrir quelqu'un que tu vois nu et ne pas te dérober devant celui qui est ta propre chair ? Alors, ta lumière jaillirait comme l'aurore et ton rétablissement s'opérerait très vite. Ta justice marcherait devant toi et la gloire de YHWH serait ton arrière-garde. Alors, tu appellerais et YHWH répondrait, tu hélerais et il dirait : "me voici".

(Esaïe 58.6-9)

La charité est ici présentée comme un moyen efficace pour se faire entendre et être agréé de Dieu. Le texte nous montre que sans elle, sans la bonté et l'équité, le culte n'est rien, il ne sauve pas.

La meilleure façon de rendre hommage à Dieu est donc de se comporter selon sa volonté et ses prescriptions dans les relations avec autrui et cela, Esaïe est loin d'être le seul à le dire :

Eloigne de moi le tumulte de tes cantiques et le jeu de tes harpes que je ne peux entendre, mais que le droit jaillisse comme les eaux et la justice comme un torrent intarissable !

 (Amos 5.23-24)

Mais alors, quelle est donc la vocation d'Israël ? Quand Esaïe parle de "prêtres et officiants de YHWH", considère-t-il le peuple comme le gardien du culte qu'ils doivent pratiquer ? Ne fait-il pas plutôt allusion au rôle attribué par Dieu à Israël en tant qu'intermédiaire entre lui et les nations ?

Car tu es un peuple consacré à YHWH, ton Dieu. C'est toi que YHWH a choisi comme son peuple personnel parmi tous les peuples qui sont sur la face de la terre.

(Deutéronome 14.2)

En outre, j'enverrai de leurs rescapés vers les nations ... qui n'ont jamais entendu parler de moi, qui n'ont jamais vu ma gloire. Ils feront connaître ma gloire aux nations.

(Esaïe 66.19)

Est-ce à dire que tous les Israélites devaient être des prêtres ? Non, cette fonction était réservée aux lévites et de plus, Dieu en choisira parmi les gens venus des nations pour l'honorer (Esaïe 66.21) Quant à Israël, il sera un peuple saint, à l'image de la sainteté de Dieu :

Vous vous sanctifierez, vous serez saints, car je suis saint. Vous ne vous rendrez pas impurs avec toutes ces bestioles qui remuent sur la terre ferme, car c'est moi YHWH qui vous ai fait monter du pays d'Egypte pour être votre Dieu. Vous serez saints parce que je suis saint.

(Lévitique Il.44-45)

Le peuple élu est donc tenu à des règles de vie particulières qui le différencient des autres nations. Il ne s'agit pas là de culte à proprement parlé, mais plutôt d'une prise de conscience permanente de la relation privilégiée avec Dieu. Son comportement exemplaire sera, quant à lui, le véritable sacerdoce attendu de Dieu. La foi et la persévérance des fils d'Israël feront d'eux un peuple missionnaire en ce sens qu'à travers eux, les nations ne pourront que reconnaître la grandeur de Dieu.

Car moi, YHWH, j'aime le droit. Je hais le vol et l'injustice... Votre progéniture sera connue parmi les nations et vos rejetons seront connus au milieu des peuples. Tous ceux qui les verront les reconnaîtront comme une descendance bénie de YHWH... On les appellera "le peuple saint", "les rachetés de YHWH" et l'on t'appellera "la recherchée", "la ville non abandonnée".

(Esaïe 61.8-9, 62.12)

Le culte est donc utile en tant que relation privilégiée de l'homme à Dieu et pour l'édification des croyants, mais il n'est pas nécessaire en lui-même à la réalisation du projet divin. Par contre, le respect de la Loi en tant que "code civil", c'est à dire traitant des relations des hommes entre eux et avec l'environnement, produira la justice et, par conséquent, la paix à l'humanité entière quand cette dernière aura enfin compris l'essence absolue et universelle de Dieu, le libérateur de la fournaise qu'est la condition de l'homme incapable de transcendance. Mais jusqu'à ce que ce temps arrive, des hommes auront encore besoin de la médiation des rites pour aller à Dieu.

Le culte a aussi pour but l'éducation de l'humanité avec laquelle il évolue. Le remplacement des sacrifices sanglants par la prière est un bel exemple de cette évolution. Ce changement a été brutalement imposé par la déportation et la destruction du temple. Si les Judéens de l'époque n'avaient pas été capables de se passer de sacrifier, ils l'auraient probablement fait n'importe où comme dans le passé et, avec la perte de la terre et de l'état, ils seraient à coup sûr devenus des idolâtres. La nation disloquée aurait alors abandonné sa charte, "rompu l'alliance" et le peuple en tant que tel aurait disparu, assimilé par les autres nations. Changer les rites du culte est donc parfois indispensable.

Mais cette réforme est bien vieille. Par contre, on peut se poser la question de savoir si les modifications que les Eglises apportent de nos jours à leur liturgie répondent suffisamment aux besoins de l'homme de ce début de vingt et unième siècle. En effet, beaucoup de nos contemporains abandonnent la religion par rejet, non pas de Dieu, mais d'un culte devenu inutile et anachronique. Hélas, trop nombreux sont ceux qui, du même coup, abandonnent toute forme de relation avec Dieu.

Bien plus que les rites cultuels, ce sont souvent les interprétations de la parole de Dieu qui sont dépassées. Il est grand temps de relire le Livre, lui qui a été si longtemps tenu hors de portée des masses et même interdit ! Mais voilà : le Livre est long et difficile à lire. Y chercher le message de Dieu n'est pas chose aisée. Mais la vérité est-elle une affaire de spécialistes ? Ne devrait-elle pas, au contraire, être le propre de chacun ? Pourquoi un théologien serait-il à priori plus proche de Dieu que l'homme juste de la rue ? Bien sûr, l'analyse d'un ecclésiastique qui présente un discours résumé et accessible est plus facile à comprendre. Mais conduit-elle réellement l'homme à Dieu dans une relation transcendante ? N'est-ce pas à chacun d'emprunter son propre chemin en fonction de ses aspirations, ses besoins et ses capacités ?

En tout cas, revenons à notre sujet et ne perdons pas de vue que certains des rites du culte prônés par les "dix autres paroles" existaient déjà chez les ancêtres idolâtres et les peuples avoisinants, même si parfois la forme en était différente et les motifs plut6t d'intérêt matériel. C'est ainsi que, pour les nomades, la Pâque avait d'abord été une célébration du printemps dont le but était d'assurer le bon déroulement de la migration des troupeaux ainsi que leur fécondité. Quant aux sacrifices, ils étaient omniprésents. Leur but était d'apaiser les dieux de toutes sortes auxquels on attribuait des fonctions bien précises telles que le contrôle de la fécondité, de la pluie ou la maîtrise des éléments naturels. Le sacrifice sanglant était une nécessité pour l'homme des civilisations anciennes. Le rituel exorcisait les craintes et canalisait les instincts violents. En ce sens, les dix "autres paroles" répondaient aux besoins viscéraux de l'être humain dans le contexte et en fonction des nécessités de l'époque, tout en imposant la nouvelle notion d'un Dieu unique, universel et immatériel. De plus, en régissant le culte traditionnel, elles mettaient Dieu à portée des hommes tout en protégeant ces derniers contre l'idolâtrie. Néanmoins, le culte rendu à Dieu devait être différent des cultes païens. Il devait surtout être purifié de toute forme d'abus ou de syncrétisme.

C'est pourquoi des pratiques apparemment anodines comme la présentation de pain fermenté ou la cuisson du chevreau dans le lait de sa mère furent interdites. Il fallait, en effet, que le culte du peuple de Dieu soit différent, plus pur et plus moral que celui des idolâtres. Reprenons l'exemple de la cuisson du chevreau : non seulement la coutume païenne voulait qu'on le cuise dans le lait de sa mère, mais semble-t-il, le jus de cuisson était ensuite versé aux pieds des arbres voués à la déesse de la fertilité afin de s'en assurer les faveurs. Pour les hébreux, un arbre ne peut en aucun cas représenter la divinité ni même servir d'intermédiaire entre elle et eux. Pareille façon d'agir serait une négation du pouvoir absolu du Dieu unique.

Pourtant, les Israélites devenus cultivateurs se laissèrent aller, à l'instar des Cananéens, à vénérer les arbres sacrés et quantité d'idoles. Décidément, ces malheureux ne pourront pas se satisfaire avant longtemps du culte épuré et voué à un Dieu immatériel et irreprésentable. Dans ces conditions, il aurait été impensable d'imaginer une religion sans culte : Bien entendu, les rites très cruels des nations comme les sacrifices d'enfants et les auto-lacérations sont interdits par la Torah, même en offrande à Dieu ou en guise de deuil ou de mortification. Le corps humain est en effet l'œuvre de Dieu qui, de surcroît, a créé l'homme "à son image". Le profaner serait sans conteste une insulte au créateur. Bien plus, l'Ancien Testament nous enseigne qu'il faut en prendre soin.

Conclusion

Les "Dix commandements" sont donc bien la charte constituante de la nation que Dieu a formée pour se faire connaître au monde et lui apporter ainsi la paix universelle. Alors que les "dix autres paroles" sont un palliatif éducatif à la tendance idolâtre de l'être humain.

En fait, la Loi conserve les acquis culturels des ancêtres idolâtres, mais en les épurant et en les adaptant aux exigences de Dieu enfin accessible au peuple. Elle n'oblige donc pas les étrangers à renier leur propre histoire à partir du moment ou ils le reconnaissent. Au contraire, la véritable connaissance de Dieu implique pour chacun, bien sûr, le respect de valeurs universelles, mais en conservant sa propre identité culturelle. Pour cette raison, il est nécessaire d'extraire de la Bible et de différencier les lois universelles des lois culturelles. Cela a déjà été fait par les différentes Eglises, mais ce qui était peut-être bon hier ne l'est plus nécessairement aujourd'hui. Bien plus, l'histoire des religions est marquée de déviations nombreuses et parfois très graves qui, à elles seules, démontrent l'absurdité de bien des interprétations.

Tant que chaque individu de chaque peuple ne sera pas capable d'aller vers Dieu en restant authentique, c'est à dire dans une relation sincère et épanouissante, l'humanité ne pourra accéder au "règne de Dieu", c'est à dire, selon l'Ancien Testament, à la paix et au bonheur.

Chacun demeurera sous sa vigne et sous son figuier. Il n'y aura personne pour les troubler, car la bouche de YHWH, le Tout-Puissant a parlé.

(Michée 4.4)


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