|
Ils s'appellent Viktor et
Kamilia. Ils sont originaires de Hongrie.
Après les avoir dépouillés de leurs riches propriétés terriennes, le
communisme avait fait d'eux des ouvriers. Ils s'étaient adaptés à leur
nouvelle condition, mais la police politique ne leur laissait aucun
répit. L'oppression était telle que le peuple de Hongrie se révolta.
Après trois semaines de liberté et d'euphorie, les chars russes mirent
fin au beau rêve. La répression fut terrible. Ce fut la fuite.
Enfin arrivés en Occident, leur déception fut à nouveau à la hauteur de
leur espoir. Ils trouvèrent finalement la paix dans une maison de
garde-chasse. Ils durent se contenter d'un travail d'ouvrier forestier
et de quelques heures de femme d'ouvrage. Restés pauvres, ils
s'estiment riches de pouvoir penser et parler librement.
Séduite par le raffinement de leur culture, la richesse de leur
instruction, la profondeur de leur sagesse, je ne pouvais que les
écouter.
Il pourrait s'agir d'un récit de réfugiés parmi tant d'autres. Ce
n'est, après tout, que l'histoire de deux vies plongées dans les
tourmentes du vingtième siècle, comme des millions d'autres, mais c'est
la leur. Viktor et Kamilia ont connu la richesse, le pouvoir, la
noblesse. Ils ont vécu l'humiliation, la pauvreté, la peur.
Ils vivent là, faubourg des anonymes, au « Forbot ».
Christine
Longrée
|